Découvrez la France en 2050
Extrait du JDD n° 3072 du 20 novembre 2005
Par Claude-Marie Vadrot
Dans 8 jours, le 28 novembre, les représentants de 180 pays se
retrouveront à Montréal sous l'égide des Nations Unies pour faire le
point sur le "protocole de Kyoto" signé en 1997. Un protocole qui
n'a pas empêché l'augmentation de 20% des émissions de gaz à effet de
serres ces dernières années. Un accord qui n'a pas été ratifié par
Washington, arc-boutés sur un dernier carré de scientifiques très
politisés. Cette obstination des Etats-Unis - 25% de la production
mondiale de gaz à effet de serres- sera notamment évoquée à Montréal,
les Canadiens ayant décidé, sans grand espoir de jouer les médiateurs.
S'il est question du réchauffement depuis une quinzaine
d'années, l'immense majorité de la communauté scientifique n'en a
mesuré la réalité que depuis la fin des années 1990. Les dernières
polémiques concernent surtout la part - 100% pour les uns, un peu moins
pour les autres - de la responsabilité humaine dans ce phénomène.
A travers les expertises, les confidences et les modélisations des
scientifiques, le JDD a cherché à comprendre quelle sera la situation
de la France et de la planéte en 2050, quand l'Europe devra
probablement vivre avec une témpérature moyenne augmentée d'environ
2.5°c par rapport au début du XX° siècle; un avenir "chaud", avec des
paysages pafois différents et des i,cidents climatiques majeurs plus
nombreux. Même si nous modifions radicalement, dès aujourd'hui, non
modes de vie, les effets bénéfiques sur le réchauffement de la planète
ne se produiraient qu'en ... 2050.
La canicule de 2003
va progressivment devenir la norme, avec des "répliques" tous les deux
ou trois ans d'ici à 2050. En raison du vieillissement de la
population, une vague de chaleur semblable à celle que nous avons alors
connue pourrait provoquer plusieurs dizaine de milliers de décès. Car
si la mortalité hivernale sera, le temps étant plus doux, diminuée de
5% à 7%, la mortalité estivale augmentera de 12 à 18%. Chaque fois que
les températures dépassent la barre des 35°C, on constatera une
surmortalité, notamment dans les milieux favorisés, en particulier due
à l'augmentation des accidents cardio-vasculaires, des maladies
pulmonaires et des problèmes de calculs rénaux graves.
Les hirondelles ne font plus le printemps.
Depuis quelques années, des hirondelles passent
l'hiver en Normandie et des cigognes, plutôt que de traverser l'Espagne
et le nord de l'Afrique, s'installent pour quelques mois dans la région
de Montpellier avant de retourner se nicher en Charentes, en Alsace ou
en Suisse. Dans les années 20250, elles ne migreront plus. Commes ces
grues cendrées venues de Sibérie qui préfèrent déjà le lac de Der, en
Champagne, à un long voyage africain. Des oiseaux qui seront rejoints
l'été par des milliers d'autres venus d'Afrique. Les ornithorologues
ont déjà aperçu cette année sur le littoral méditerrannéen un petit
oiseau rose venu du désert algérien : le roselin githagine. Il n'est
pas le seul.
Plus étonnant : des perruches échappées
de cages ont commencé à faire souche, résitant aux hivers modérés. En
2050, elles seront probablement des dizzaines, voire des centaines de
milliers prenant la place d'autres oiseaux autochtones tandis que la
Genette, petit fauve africain introduit en France à l'époque médiévale,
s'installera dans le Nord. Des organismes internationaux comme l'Union
internationale pour la conservation de la nature orévoient aussi la
disparition d'une quart des especes animales et végétales dans le monde
entier, le chiffre de 15à 20% étant avancé pour la France.
Des abricotiers au nord de Paris.
Les experts de l'institut National de la Recherche
Agronomique (Inra) travaillent sur l'inexorable progression des
cultures vers le Nord. Celles-ci remontent, selon les sources, de 180 à
240 km pour un degré de plus. Ainsi les agronomes annoncent-ils pour le
milieu de ce siècle des oliviers produisant au bord de la Loire et du
maïs-grain - cantonné dans le Sud-Ouest dans les années 1950 - dans le
Nord, l'Est de la France et même jusqu'au Danemark. les amandiers et la
abricotiers, eux donneront des fruits au nord de Paris. Mais au Sud
comme au nord, "piégés" par les hivers doux, les arbres
fruitiers verront de plus en plus leur floraison précoce détruite
par le gel.
Les vendanges, déjà avancées d'un mois
depuis 1945, auront lieu en juillet. y compris en région parisienne et
en Normandie, où la vigne sera entre-temps revenues; ce qui posera la
question de la survie des AOC, dont les terroirs seront bouleversés. Il
faudra changer les cépages et supprimer des vignes dans le Sud, faute
d'eau et pour cause de trop grandes chaleurs. Déjà, en Alsace, le vin a
gagné deux degrés d'alcool en vingt ans.
tout cela
relevait il y a peu de la science-fiction, expliquent les experts
de l'Inra. Ainsi en 1976, évoquait-on une sécheresse centennale, avant
que l'on en subisse au moins trois aussi sévères depuis. Mais,
désormais, il faut à l'horizon 2050 "repenser" toutes les cultures,
imaginer d'urgence des forêts adaptées puisque c'est maintenant que
l'on plante les arbres des futures années 2050. Un temps où, s'il y a a
de l'eau - ce qui n'est pas garanti - les orangers, itronniers et
bananiers seront communs sur le littoral méditerranéen. Les agronomes
ignorent encore l'étendue des pertes et les conséquences de tesl
bouleversements sur une économie agricole qui changera de dimension.
Toutes les zones tropicales, subtropicales et sud européennes verront
leurs récoltes diminuer. Quant aux ravages sur l'agriculture en
Afrique, ils seront d'une toute autre ampleur, les sociétés y étant
plus fragiles.
Le paludisme franchit la Méditerrannée
Le paludisme entraîne aujourd'hui la mort de 2.5
millions de personnes par an dans une centaines de pays. un chiffre qui
doublera en une quarantaine d'années, 45% de l'humanité étant
aujourd'hui exposée au paludisme contre 60% en 2050. Portée par les
moustiques, cette maladie gagnera lentement l'hemisphere nord. elle a
déjà atteint les Etats Unis ; son arrivée et sa progression sont
prévues en Italie, en Espagne et en France.
D'autres
parasitoses, et maladies tropicales suivront, s'installent avec notre
nouveau climat. Ce sera le cas, par exemple, de la leshmaniose, une
très grave infection du tube digestif transmise par un petit moucheron,
arrivé en Lombardie; ou encore du virus de la fièvre du Nil.
Evidemment, la France sera mieux équipée pour soigner ces maladies que
les pays du Sud, mais les conséquences seront importantes pour les
enfants et les personnes agées. Les periodes de chaleur entraineront
également la dispersion brutale des pollens avec une augmentation
exponentielle prévue de l'asthme. Comme pour le paludisme,
l'Organistion mondiale de la santé (OMS) constate en Afrique que la
progression des méningites suit l'augmentation des températures.
Un "tourisme" de la fraîcheur
Les années 1950 auront vu la naissance d'un nouveau
tourisme, le "tourisme de la fraicheur" destiné à éviter les canicules.
Le tourisme aura été transformé par la necessité de limiter les
liaisons aériennes, les anions étant responsables d'une importante
production de gaz à effet de serre ; ce sera le retour aux vacances
européennes en train.
Comme le réchauffement sera plus
rapide en Europe et donc en France, l'enneigement passera de cinq à
quatre mois dans les Alpes du Nord et des trois à deux mois dans les
Alpes du Sud et les Pyrénées. Les avalanches seront plus dangereuses et
plus aléatoires et il sera plus difficile de produire de la neige
artificielle alors que 60% des pistes sont déjà enneigées
artificiellement. Un seul hectare de neige artificielle coûte 9
millions de kilowatt-heures.
Pour en savoir plus
- Les rapports du Groupe International sur l'étude des climats (www.ipcc.ch)
- Changements climatiques : quels impacts en France ( Greenpeace)
- Atlas de la menace climatiqque (Frédéric Denhez, éd. Autrement, 80 pages, 15€